Quand ma femme m’a parlé de son projet de naissance naturelle, ça a été l’évidence. Immédiatement. D’ailleurs, heureusement que ma femme a amené l’idée. Sans elle je ne me serais même pas posé la question. Je n’avais pas assez d’info, personne ne m’en avait parlé. Mais son choix a fait raisonner quelque chose en moi. Et je me suis dit : « ah oui, à fond, ça me parle, je veux ça pour notre bébé ». Puis j’ai réalisé : « en plus, c’est super pour moi parce que je vais avoir une jolie place ». Ça m’allait très bien parce que j’ai ce côté papa poule. Je voulais une belle place, je voulais être présent.
Au départ, j’avais juste une vague idée de ce que devait être un accouchement. Et je ne mettais pas particulièrement de valeur sur la question de la sécurité hospitalière. Et puis, s’est posée la question de la douleur. Y’a pas que l’enfant y’a aussi ton amoureuse qui va souffrir. Alors on a regardé pas mal de documentaires, on a lu beaucoup aussi. J’étais preneur de lire des livres et de collecter des informations. Une fois que t’as vu comment ça pouvait se passer, tu es beaucoup plus rassuré.
Pour moi l’enfant était déjà là. Et en discutant avec des amis j’ai vu que c’était différent pour eux. Beaucoup de mes amis n’arrivaient pas à prendre acte de la présence de l’enfant avant qu’il naisse. C’était peut-être plus facile pour moi parce qu’on vivait tout ce parcours de préparation à la naissance naturelle ?
La préparation
Et si on choisissait un environnement non médicalisé ?
Ma femme a fait des recherches. S’est posée la question de l’environnement non médicalisé. On a découvert l’existence des mes maisons de naissance et j’ai réalisé l’importance de l’environnement dans lequel a lieu une naissance. Ma femme et moi nous sommes des anxieux. Du coup, pour moi c’était clair qu’il fallait miser à fond sur l’ambiance et sur l’environnement plus que sur les drogues pour que ça se passe le mieux possible. Je connais ma femme. Elle est impulsive et elle peut se tendre vraiment physiquement dans une situation stressante ou en contact avec une personne néfaste. Donc c’était nécessaire que l’environnement soit le bon.
Dans la maison de naissance, il y avait ce coté « maison de campagne » et on a adoré.
Dans la maison de naissance, il y avait ce coté « maison de campagne » et on a adoré. C’était tout proche de l’hôpital. Il y a eu quelques rdv préparatoires mais pas beaucoup par rapport à ce que je pensais. On a eu un cours sur “comment aider sa femme pendant le travail”. On a eu aussi un super cours sur la douleur. Ça c’était génial ! Il y avait une sage-femme qui était spécialiste du sujet et qui faisait un peu d’hypnose aussi. Mais je me disais : “on peut aller encore plus loin. Faut pas s’arrêter là”. J’aurais voulu glaner des tips, plus d’infos.
En parallèle on a fait de l’haptonomie. C’était super. J’ai adoré. C’est une méthode qui m’a permis de prendre contact avec l’enfant. Au delà des côtés un peu gadget du style « tu peux te taper la pince avec ton bébé ». Y’a ce coté où tu peux venir envelopper l’enfant et on apprend aussi des gestes un peu plus avancés pour soulager les douleurs de la maman. Le jour de la naissance on ne l’a pas du tout utilisé mais j’ai adoré l’outil pendant la grossesse. C’était un point d’entrée.
On voulait une naissance naturelle pour notre enfant et ici on était sûrs de l’avoir.
Dans la maison de naissance, on avait le sentiment d’être un bon endroit. On était entouré par des personnes compétentes qui s’étaient posées les bonnes questions et qui apportaient les bonnes réponses. Ces personnes pensaient comme nous. On voulait une naissance naturelle pour notre enfant et ici on était sûrs de l’avoir.
Ce qui compte c’est les gens qu’il y a autour et que les choix de parents soient respectés. Finalement le local importe peu. Je le vois pour notre 2ème enfant, on a du aller à l’hôpital pour des raisons médicales. Par chance on a eu une salle nature. Mais le lieu importe peu finalement puisqu’on a été entouré des bonnes personnes et tout s’est très bien passé. Tant qu’il n’y a pas des gens qui viennent te parasiter dans la direction que tu as choisie, tout ira bien.
Le jour de la naissance
Je n’étais pas du tout stressé, j’étais bien. On était pris en charge.
Ça a commencé quand j’étais au travail. Ma femme avait eu des contractions toute la journée. Et quand je suis rentré du travail on est allé naturellement à la maison de naissance. La sage femme a dit : « oui, tes contractions sont rapprochées et il faut que tu restes. C’est pour ce soir. » Je n’étais pas du tout stressé, j’étais bien. On était bien pris en charge.
Après ça s’est un peu compliqué…
Après ça s’est compliqué parce que les contractions n’étaient pas assez longues. L’ouverture se faisait très lentement et les douleurs étaient énormes. Ma femme souffrait beaucoup trop vu le stade peu avancé de l’accouchement.
Du coup, s’est posée la question du transfert parce que personne ne voulait autant de souffrance alors qu’on n’était même pas au milieu de l’accouchement. À chaque contraction, il y avait trop de douleur.
En fait, on l’a compris après, cette douleur extrême venait de l’état de tension de ma femme. C’est la peur qui lui faisait si mal.
En plus, ils nous ont dit : « vous devez dormir, vous devez vous reposer parce que la nuit va être longue. » Et ça ne nous a pas aidé du tout ! Parce que je voyais ma femme qui hurlait de douleur. J’étais en dépression totale à ce moment là. Je ne pouvais rien faire pour elle. J’ai essayé quelques points d’acupressure qu’on nous avait montré mais c’était inutile. L’impuissance totale.
C’est là où j’aurais voulu avoir des témoignages de papa parce que j’étais un peu perdu. Et si je devais témoigner à mon tour je leur dirais : « attention, les gens ne savent pas ce qu’il vous faut. Qu’ils soient de la maison de naissance, les meilleurs obstétriciens du monde ou la plus magnifique des sages femmes, ce n’est pas vous. Donc soyez complètement ouvert et imaginez des choses. Essayez plein de trucs. »
On a vécu un vrai moment de flottement. Tout ne se passait pas comme prévu.
J’étais dépité, j’étais inquiet. Ma femme souffrait. On a vécu un vrai moment de flottement. Mais on devait peut-être en passer par là. Je n’arrêtais pas de me répéter : « t’es pas en train d’accoucher alors c’est toi qui devrait apporter du charisme, de la décision. Ou défendre ton épouse si besoin ». Mais j’étais dépité et impuissant. Je ne savais pas ce qui se passait et je ne savais pas ce que je devais faire. Les douleurs étaient trop fortes et trop courtes. Ce n’était visiblement pas normal.
Tout ne se passait pas comme prévu. Et puis c’est très bien de voir que même quand ça ne se passe pas comme prévu, tout a bien été parce qu’il y a des gens intelligents qui nous ont guidé.
La sage-femme est venue nous dire « on doit prendre une décision »
Puis il y a eu ce moment clé : « qu’est ce qu’on fait ?». La sage femme est venu nous dire : « maintenant on doit prendre une décision. On est a face à un choix : est ce qu’on transfère vu les douleurs et les contractions qui ne sont pas optimales ? Ou est-ce qu’on y va ? »
Et c’est là que nous avons pu choisir ! « Non, on reste et on fait ce qu’on a prévu. On va y arriver. » Alors elle nous a dit : « bon ben allez vous promener ». Génial. Ma femme a vu qu’on pouvait agir sur cette douleur. Quand j’y repense… le temps qu’on a perdu là, pendant qu’elle souffrait horriblement. Ça nous a emmené vraiment bien au fond et c’était peut-être nécessaire. Une chose est sûre, si on avait choisi d’accoucher à l’hôpital, elle aurait directement eu la péridurale et on serait passé à côté de notre choix. Donc, je peux dire avec du recul que c’était durement parfait.
C’était le temps dont on avait besoin. On s’est dit : « on rassemble notre courage et on embarque. »
On avait une sage-femme qui était très technique. Et d’ailleurs sa technique lui a permis de nous garder à la maison de naissance là où d’autres auraient peut être fait un transfert en voyant ma femme souffrir autant et le travail stagner. Elle nous a complètement suivi. C’était quelqu’un qui prend les choses en main.
Tout a commencé à aller mieux quand on a été se promener.
En fait, tout a commencé à aller mieux quand on est allé se promener, marcher. Quand on a pris en main le truc. Ok, on a ces douleurs à gérer mais on peut faire quelque chose. La sage femme nous a montré comment ma femme pouvait se positionner quand la contraction arrive et nous a conseillé de laisser passer la vague.
A partir du moment où ma femme s’est mise en mouvement, tout s’est bien enchainé. On n’a pas sillonné la ville mais on a fait ce qu’on aurait du faire avant : marcher. Quand la douleur venait, elle se mettait dans une position confortable et moi je lui donnais de la force comme je pouvais. Une sorte de coaching. C’est là que j’ai trouvé mon rôle finalement.
Et puis c’est là ou j’ai trouvé ma place : “je peux agir, je peux la coacher.”
Et puis c’est là où j’ai trouvé ma place : « ah mais moi je peux agir aussi, je peux la coacher. » Je l’ai coachée verbalement. J’avais entendu une sage femme dire : « tu sais une contraction c’est comme une vague, elle va passer, puis elle ne reviendra pas ». Il y a une série de vagues à passer. Mais ce n’est pas la même vague qui revient, c’est juste une de plus, et encore une de plus.
Cette image m’a parlé. Je m’étais déjà préparé pour un marathon. J’avais fait des semi-marathons. Je connais les sports d’endurance et je sais comment gérer le mental. Et donc je lui répétais ces choses dans l’oreille : « t’inquiète pas, c’est juste une vague. Elle est passée. Tu l’as mise derrière, bravo ! Y’en a une qui vient. Y’en a une série. Mais ça va aller ». Je lui répétais ça tout simplement.
Physiquement elle s’accrochait à moi ou je lui tenais la main. Et après, quand elle s’est mise dans la baignoire, je me suis mis derrière sa tête et je lui murmurais encore ces phrases à l’oreille. Et ça l’aidait. Je savais que c’était exactement ce qu’il lui fallait. C’était un coaching parce qu’elle perdait pied. Et c’était ma manière de faire le lien avec le monde « normal » où les gens ne sont pas dans un état second. C’était sécurisant pour elle.
Je me suis dit : « il faut qu’elle puisse lâcher prise »
Elle avait besoin de quelqu’un qui s’occupe de la douleur avec elle. C’est à dire de quelqu’un qui lui dit « on y va, ça va aller, t’inquiète pas ». Ma femme a besoin d’être rassurée. Je le savais. Et je me suis dit : « il faut qu’elle puisse lâcher prise ». Parce que quand elle ne lâche pas elle souffre énormément et elle interdit son corps de faire son travail. Elle empêche le processus.
Alors moi je vais aller la dedans, je vais la coacher verbalement. En plus, j’avais trouvé mon rôle, du coup j’étais vraiment aidant. Elle se sentait mieux physiquement parce qu’elle s’est dit : je suis capable en fait. Dès le moment où elle a compris qu’elle était capable tout a changé. Elle s’est dit : « il suffit de faire ça et ma douleur devient tolérable. Il suffit d’accepter ma douleur. Je ne l’avais pas encore acceptée mais si je l’accepte tout va bien. En plus j’ai l’aide de mon conjoint ».
Elle a pu rentrer dans sa bulle et laisser faire son corps.
Tout s’est aligné. Elle a pu rentrer dans sa bulle et laisser faire son corps. C’était super impressionnant à ce moment là. J’aurais voulu prendre sa douleur et être à sa place mais je n’aurais pas pu le faire parce que pour faire ça il fallait sa force à elle.
En fait, à ce moment là je la voyais souffrir mais une souffrance acceptable parce que je voyais bien qu’elle était au dessus de cette souffrance.
On est passé de « on va mourir, ça va être horrible » à « c’est bon, on est dedans, y’a plus qu’à en chier ». Comme un marathon. Tu le sais, tu t’es inscrit à ce marathon. T’es pas débile. Tu n’espérais pas ne pas souffrir ? Mais ton but est au delà de la souffrance. La souffrance c’est le chemin. Tu le sais, tu as voulu, tu as signé.
Y’avait plus qu’à passer une vague après l’autre.
On était dedans tous les deux. On en était bien conscients. Et on n’avait pas besoin de se parler pour ça. Y’avait plus qu’à passer une vague après l’autre. Notre difficulté avec ma femme, c’est notre cerveau qui turbine… Du coup, on risque souvent de perdre pied sur les choses essentielles. Mais quand on est dans notre axe, on est bien, on est stable. Et ce n’étaient pas les grosses douleurs qui allaient la faire dévier de son axe. Et puis moi pareil.
J’avais trouvé ma place et ma femme était au delà de la souffrance. Je ne me suis pas dit « oh la la, faut que je surveille sa douleur parce qu’il faudra peut être que je prenne une décision pour l’aider ». Elle était dans sa douleur mais elle avait la force pour la vivre.
Tout roulait. J’étais rassuré. Ma femme était dans son travail. Le travail avançait. On jubilait. J’aurais pu faire une blague alors que quelques heures avant j’étais si inquiet. Une tension est partie alors que le travail avançait crescendo.
La sage femme a provoqué une prise de conscience.
Cette sage femme a été extraordinaire parce que sur une échelle de “je fais confiance à la nature” à “je risque gros”, elle a choisi « je fais confiance à la nature » plutôt que « je risque gros ». Elle s’est fait confiance. Mais elle avait besoin qu’on soit dedans. Tant qu’on résistait elle ne pouvait pas faire grand chose pour nous.
Elle a provoqué cette prise de conscience (et de confiance) en nous bousculant. On a réalisé qu’on n’était pas là par hasard. C’était vraiment ce qu’on voulait et maintenant qu’on était face au truc, on n’allait pas reculer. Habituellement, quand je ne maîtrise pas un domaine, je doute énormément. Mais là on a du prendre une décision. Donc on a fait confiance. On était là, avec cette sage femme, il ne pouvait pas nous arriver grand chose. Et on la remercie du fond du cœur.
Notre fille est née dans l’eau avec un magnifique lever de soleil.
Ma femme porte cette fierté en elle et l’a vécu comme un véritable aboutissement. Et moi je suis convaincu que la naissance naturelle est la meilleure manière de mettre au monde un enfant.
Pour lire le témoignage de la naissance de notre 2ème enfant > Une naissance en salle nature racontée par un papa !
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