“L’accouchement naturel, à domicile ou non, est une école d’abandon et de confiance en la vie, en rien une folie de gens déraisonnables. Charles Péguy disait que les pères de famille sont les aventuriers des temps modernes. Eh bien moi, j’ai fait de l’accompagnement de ma femme dans son AAD une aventure et je peux vous jurer que ça décoiffe. La nature est tellement plus belle et touchante à la maison que sous la lumière blafarde des néons, le long des couloirs aux couleurs douteuses de nos maternités.”

Mon épouse m’a demandé d’écrire un petit témoignage pour vous présenter comment un homme peut « vivre » l’accouchement naturel, à domicile ou non. Ce témoignage sera écrit au fil de la « plume », pardonnez le semblant de manque de plan ou d’organisation logique. De même ce texte n’est pas source de jugement de ce que les unes ou les autres d’entre vous ont vécu et comment elles l’ont vécu, juste ma simple expérience et mon avis sur la question.

Avant, je n’avais jamais réfléchi à l’accouchement.

J’ai 32 ans et avec ma femme, nous nous sommes mariés il y a 5 ans. Depuis ce jour béni, 3 enfants sont venus mettre un grand tourbillon de vie dans notre foyer. J’avoue qu’avant nos fiançailles et notre préparation au mariage, je n’avais jamais réfléchi à l’accouchement. Bon, jusqu’ici rien d’illogique pour l’homme que je suis, la nature ne m’ayant pas doté du matériel nécessaire pour porter la vie.

Mais ma femme m’a dès le début de notre cheminement parlé de sa volonté d’accouchement « naturel », à savoir sans recours à la péridurale. Alors évidemment quand j’entends ça, je revois toutes les images de films hollywoodiens où les femmes accouchent avec des pleurs et des cris à réveiller toute la maternité en faisant comprendre à leur mari qu’elles le tueraient s’il approchait. Les scénaristes doivent être tous masculins… Une fois évacuée cette fausse image simplifiée et biaisée, nous avons pu rentrer dans le vif du sujet.

Son projet est devenu le mien, le nôtre.

Pour commencer, je comprends que ce projet d’accouchement est chevillé au corps et à l’âme de ma fiancée. Elle y tient plus que tout. Et son projet est devenu le mien, le nôtre. Non pas que j’ai suivi le désir de ma femme de façon aveugle, mais bien parce que je désirais l’accompagner de la façon la plus totale qui soit dans ce qui nous semble le plus précieux ici-bas, à savoir l’accueil de la vie.

Au-delà du fait que c’est quand même elle qui va porter nos enfants pendant 9 mois à chaque fois et que donc son avis « prime » en quelque sorte sur le mien, j’adhère à 100 % à sa volonté d’accoucher sans péridurale. Je suis convaincu que cet accouchement naturel va lui permettre d’être pleinement reliée à nos enfants, car elle est allée jusqu’à offrir ces douleurs que je ne peux que deviner en la voyant serrer les dents et souffler à chaque contraction. Ce don total d’amour est magnifique.

Pour notre premier enfant, j’ai été avec elle à la maternité du début à la fin.

Pour notre premier enfant, j’ai été avec elle à la maternité du début à la fin (un peu plus de 12h), envoyant un simple texto à mon patron pour dire que je prenais ma journée du fait de l’événement à venir. Ma priorité en ce jour n’est pas mon boulot, mais ma femme et cette petite vie qui s’est décidée aujourd‘hui à rencontrer ses parents. Mon rôle auprès de ma femme a été de la soutenir, de répondre à ses désirs, de lui tenir la main, de l’encourager, de prier avec elle (un Ave Maria entre chaque contraction), bref je ne m’appartiens plus à ce moment-là (sauf pour répondre à l’appel de ma vessie…).

Pas besoin d’en faire des tonnes, ma simple présence silencieuse l’apaisait

Pas besoin d’en faire des tonnes, ma simple présence silencieuse pendant qu’elle dort, épuisée par le travail qui se fait long, l’apaise. Et moi j’aime contempler ma « grosse baleine échouée » sur son lit d’hôpital dont les traits sont parfois détendus, d’autre fois crispés. Le genre de vision qui reste gravée dans une mémoire d’homme. Le fait de savoir qu’elle s’est pleinement donnée, dans la durée et la douleur, démultiplie mon émotion quand notre garçon pointe le bout de son nez. Ai-je jamais autant pleuré que ce jour-là ?…

Notre second garçon était un rapide.

Pour notre deuxième enfant, le projet d’accouchement naturel est le même. Pourquoi changer une équipe qui gagne ? Sauf que là il n’y a pas grand-chose à raconter, notre second garçon étant un rapide et n’ayant pas attendu plus de 20 minutes à la maternité pour sortir.

Pour numéro 3, elle souhaite accoucher naturellement, mais à domicile cette fois.

Là où ça commence à prendre une autre tournure, c’est quand mon épouse m’explique que pour notre numéro 3, elle souhaite accoucher toujours naturellement, mais à domicile cette fois. Ok… En effet l’hyper-médicalisation de l’accouchement ne nous a jamais plu. La position gynéco n’est pas naturelle et est pensée pour le praticien et non pour la maman. Et rien n’est plus désagréable que de se faire réveiller en pleine nuit par les puéricultrices pour donner à manger au petit bout’chou, alors que maman et lui dorment profondément. Je ne parle même pas du regard du personnel de santé quand on dit non à la contraception à la sortie de la maternité. Bref pour tout ceci et pour d’autres éléments tels que la sérénité et la chaleur de son propre foyer et une plus grande maîtrise de son propre accouchement, ma femme souhaite donner vie à la maison.

Bon concrètement, je comprends très vite que ça va me demander une implication encore plus grande que celles des 2 premiers enfants. Le premier rdv avec notre sage-femme se passe à merveille. Elle nous explique tout calmement et simplement. Elle fait rapidement partie intégrante de l’équipe que je forme avec ma femme pour accueillir cette nouvelle vie. Bien que j’aie une totale confiance en mon épouse et sa capacité à gérer ses accouchements, la présence chaleureuse et professionnelle de notre sage-femme permet de me rassurer.

Le jour J, ma femme était dans notre chambre et moi j’étais dans le salon avec nos garçons.

Le jour J, pour accoucher, ma femme était dans notre chambre à coucher, sur notre lit conjugal protégé par une bonne couche de bâche plastique, la pièce étant plongée dans la pénombre, simplement illuminée par 2 grosses bougies odorantes. Je suis dans le salon juste à côté avec les garçons devant un dessin animé. Ils ont compris que quelque chose se passait, mais ils restent tout gentils, concentrés sur l’écran.

Je fais des aller-retours à la chambre plusieurs fois pour voir si tout va bien. Et puis c’est parti, ma femme me demande et on y va ! Elle se met à genoux sur le lit, légèrement penchée vers moi qui suis sur le bord du lit. De ses 2 mains, elle me prend les avant-bras puissamment et elle pousse. Et c’est presque immédiatement que je vois notre petite fille « glisser » sur le lit, toute rosée, toute fraîche. Elle est là, mission accomplie, essai transformé, accouchement à domicile nickel ! Nous sommes vraiment bénis. Je reviens après la première tétée avec des tartines au Nutella, péché mignon de mon épouse. Pendant que notre fille dort, ma femme prend sa douche, puis se prépare. 2 heures après l’accouchement, elle est debout, toute pimpante. Sincèrement je suis bluffé devant l’absence de fatigue de ma femme. Elle n’est que joie et rayonne dans la maison.

Comme dans le sport, finalement c’est plus simple de « jouer » à la maison.

Pour conclure, si Dieu veut confier d’autres vies à notre foyer et si cela est possible, il est clair pour moi que je souhaite les accueillir à domicile plutôt que de jouer à l’extérieur, car comme dans le sport, finalement c’est plus simple de « jouer » à la maison. Nous sommes sur notre terrain, devant notre public. Nous maîtrisons tellement plus les choses qui ne sont en rien plus compliquées qu’à l’hôpital, bien au contraire même… Je les trouve beaucoup plus belles ainsi, car plus intimes, plus douces, plus respectueuses de notre état naturel d’homme et femme créés.

L’accouchement naturel, à domicile ou non, est une école d’abandon et de confiance en la vie, en rien une folie de gens déraisonnables. Charles Péguy disait que les pères de famille sont les aventuriers des temps modernes. Eh bien moi, j’ai fait de l’accompagnement de ma femme dans son AAD une aventure et je peux vous jurer que ça décoiffe. La nature est tellement plus belle et touchante à la maison que sous la lumière blafarde des néons, le long des couloirs aux couleurs douteuses de nos maternités.

Alors messieurs, n’hésitez pas à écouter vos épouses qui vous expriment ce souhait d’accoucher par elle-même, car le jeu en vaut la chandelle. Et surtout, pour reprendre un illustre inconnu : n’ayez pas peur !