Ma toute petite…
Envie d’écrire pour me souvenir.
Envie d’écrire parce que c’est ton histoire, mon histoire, notre histoire
Envie d‘écrire pour te transmettre, quand tu seras en âge de comprendre ces choses de grandes personnes et de femmes…
Envie d’écrire pour te faire un cadeau, car je pense que j’aurais été contente moi aussi, d’avoir une lettre de ma maman qui me parle sa grossesse et de son accouchement.

Mon projet de naissance

Depuis la naissance de ton grand frère, ma conception de l’accouchement a évolué. J’ai continué à cheminer pendant ma grossesse et mon projet, pour toi, était d’accoucher sans péridurale de manière naturelle et physiologique…

Pourquoi ? Je ne sais pas…

Enfin si, je sais, pour une multitude de raisons… des bonnes et des moins bonnes, certainement…

– Parce que pour ton frère, je l’avais presque fait, mais pas complètement… on m’avait un peu oublié dans ma chambre de maternité, j’avais fait une grosse partie du travail seule et sans le savoir. Et on m’avait finalement posé la péridurale un peu tardivement, à 9 cm… et mon entourage (copines, sage-femmes) m’avait souvent fait la remarque que j’aurais pu aller jusqu’au bout… je pense que ce premier accouchement m’a donné confiance en moi et en ma capacité à gérer la puissance d’un accouchement de manière physiologique.

– Parce que je me suis beaucoup documentée sur le sujet, j’en ai discuté avec quelques rares amies qui ont accouché de manière naturelle. J’ai lu, j’ai regardé des vidéos, j’ai écouté des podcast… et je me sentais prête, j’en avais envie… j’en avais presque besoin. Pour moi, pour toi, pour nous, pour elle, ta grand-mère, ma maman partie 3 semaines avant ta naissance…

– Parce que j’ai la certitude que nous les femmes, nous sommes faites pour accoucher, que nous avons ce pouvoir, cette force… Que c’est un réflexe mammifère, et que lorsque le cerveau ne sait plus faire, c’est le corps qui prend le relais, instinctivement.

– Parce que j’ai pris conscience des effets secondaires néfastes de la péridurale pour la maman et le bébé.

– Parce que j’ai la certitude que c’est un rite de passage important, à la fois pour la maman et le bébé.

– Parce que je voulais vivre, sentir, ressentir ce que ressentent les femmes depuis la nuit des temps lorsqu’elles accouchent… et les femmes des pays en développement qui ne se posent même pas la question

– Parce que ton papa est un grand sportif, qu’il fait des triathlons qui durent plus de 5h, et que moi aussi, j’avais envie de relever un challenge sportif, de me sentir championne et winneuse… et pour qu’il soit fier de moi…

– Parce que ta grand mère a accouché 3 fois sans péridurale, parce qu’elle a lutté contre sa maladie et contre la douleur pendant plus d’un an…

– Parce que tu es certainement mon dernier accouchement.

– Parce que je voulais me sentir mammifère, animale, vivante, forte, puissante…

– Parce qu’à défaut de t’avoir offert une grossesse paisible, sereine, en plein osmose… je voulais nous offrir ce moment rien qu’à nous, hors du temps…

Bref, pour toutes ces raisons, je m’étais mise ce projet un peu fou en tête.

Je m’étais renseignée sur les maternités de la région qui étaient ouvertes à ce type d’accouchement et j’avais finalement choisi une maternité équipée d’une Salle Nature. Ton papa n’avait pas beaucoup d’avis sur la question, mais il m’avait suivi dans ma lubbie, un peu dubitatif.


Mon accouchement

Ton arrivée était prévue pour le 16 novembre, tu as choisi d’arriver 2 semaines plus tôt.

La veille, nous étions allés à la maternité car je m’inquiétais un peu pour toi. La sage-femme qui m’avait prise en charge nous avait laissé entendre que ce n’était pas pour tout de suite…

Mais tu as choisi de t’annoncer dès le lendemain, le 2 novembre.

A 5h42, je rompte la poche des eaux dans mon sommeil, je préviens alors ton papa. Quelle étrange sensation d’être réveillée dans son sommeil par un tel évènement ,qui marque le début d’une journée inoubliable. J’ai le temps de prendre une douche et de préparer quelques dernières bricoles pendant que Papa prévient Mamie, afin qu’elle vienne garder ton grand frère. Elle arrive très vite et nous nous mettons en route. Il n’y a personne sur la route. C’est étrange cette sensation de prendre la route à 2 en pleine nuit et de savoir que l’on va rentrer à 3 avec un bébé.

Nous arrivons à la maternité vers 7h, je n’ai pas mal, pas de contraction. Simplement, comme c’est le même scenario que ton grand frère, je sais que tu arriveras dans quelques heures et je veux faire en sorte que cela ne dure pas trop longtemps. Je suis pressée de te rencontrer. Je sais que cela va être difficile, mais j’ai hâte…

Je suis prise en charge par une sage-femme qui m’examine et me confirme que j’ai rompu la poche des eaux. Mon col est long et ouvert à 2, comme la veille. Nous faisons un monitoring pendant 1h, ton petit cœur bat bien.

A 7h30, la sage-femme sympa qui m’avait prise en charge la veille passe. Elle nous informe qu’elle est en salle naissance jusque 19h. J’avais eu un bon feeling avec elle, et au fond de moi, j’aimerais bien que ce soit elle qui m’accompagne pendant mon accouchement.

Cependant, pour l’instant, tu n’es pas prête d’arriver et pour accélérer le travail, et pouvoir te rencontrer au plus vite, il faudra marcher, bouger…Nous marchons une heure dans l’hôpital avec ton papa et nous montons plusieurs fois les 4 étages.

A 9h30, après 1h de marche et d’escaliers, mon col est mi long et ouvert à 2,5… ce n’est pas gagné, et en même temps, je ne suis pas surprise, car je n’ai pas vraiment de douleur ou de sensation pour le moment.

Dehors il pleut, c’est dommage, on aurait presque pu aller marcher à l’extérieur. Nous retournons marcher dans l’hôpital et monter des escaliers… Ton papa m’abandonne un peu, il s’assoit sur un banc et s’assoupit même un peu… De mon côté, je ne lâche rien…maintenant que je suis-là, je n’ai plus envie que ça traine… et je suis pressée de te rencontrer…Je suis sereine, heureuse et rassurée d’être là, je me sens en sécurité dans cette maternité. Il y a même une aumônerie dans la maternité et j’écris un petit mot sur le “livre de doléances” pour ta naissance et pour ta grand-mère.

A force de monter les escaliers, les contractions commencent à arriver et s’intensifier, toutes les 7 puis 5 minutes… J’appelle ta tante pour papoter, je dois parfois m’arrêter de parler pour gérer la contraction. Ca fait mal, mais au fond de moi, je suis contente que cela s’accélère, j’ai conscience que c’est un passage obligatoire et nécessaire. Je me suis bien préparée, je sais comment je dois souffler pour gérer la vague chaque fois qu’elle m’envahit…

A 11h45, nous réalisons un nouveau monitoring, j’ai des contractions toutes les 3 ou 4 minutes… Mon col est toujours ouvert 2,5 mais plus souple… je suis déçue… cela veut dire que les choses n’ont pas beaucoup avancé et j’ai l’impression que tout ce que j’ai fait depuis ce matin n’a servi à rien.

A 12h30, nous arrivons en salle de prétravail, avec des contractions assez régulières. Je commence l’homéopathie. On m’amène un plateau repas que je mange ;-). Nous recroisons la sage-femme. J’essaie de marcher encore un peu dans le couloir des salles de pré-travail, je dois souvent m’arrêter pour gérer les contractions et me tenir à la rampe. Cela devient de plus en plus difficile et intense.

A partir de 14h30, les contractions sont de plus en plus fortes. Je n’arrive plus à tenir debout et je m’allonge sur le lit. Je me mets dans ma bulle à chaque contraction, je ferme les yeux, je ne peux plus parler et je souffle. La sage-femme m’examine, mon col est à 3 ou 4, raccourci cette fois-ci. Elle me donne un spasfon et un doliprane pour gérer la douleur et me propose d’aller en salle nature.

Vers 15h, j’entre dans la salle nature, avec sa lumière bleue tamisée et cette ambiance douce et paisible. Je suis envahie par une drôle d’émotion… le pressentiment qu’il va se passer quelque chose de fort et d’intense dans cette salle.

Je rentre dans la baignoire de dilatation, j’y passe trois quart d’heure, comme une reine… C’est très agréable d’être dans l’eau chaude entre les contractions, cela me détend mais c’est difficile pendant les contractions car elles sont très fortes. Ton papa gère la musique de fond (Yann Tiersen), l’homéopathie (mais je crois qu’il s’emmêle un peu les pinceaux !). Je lui serre très fort la main à chaque contraction.

A 15h45, je n’en peux plus, je ne suis plus bien dans l’eau et je demande à Papa d’appeler la sage-femme, je sors de l’eau…

Nous retournons, non sans mal pour moi, dans la salle de pré travail… j’ai du mal à marcher et je n’ai pas envie de me rhabiller. A 16h, la sage-femme m’examine une nouvelle fois, je m’attends à ce qu’elle me dise que je suis à 8 ou 9… elle m’annonce que mon col est à 5… Grosse déception, très grosse déception… moi qui pensais être si près du but…

Pour la première fois depuis le matin, je doute, je suis contrariée, les choses ne se passent plus que je le veux… et pour la première fois, j’hésite à demander la péridurale, j’ai trop mal, je ne peux pas imaginer que je n’ai fait que la moitié du chemin, je n’aurai pas la force de refaire la même chose… J’apprendrai plus tard que ce moment est la phase de désespérance, qui porte bien son nom.

Je ne sais pas quoi faire. La sage-femme me dit que c’est encore possible d’appeler l’anesthésiste. Elle m’examine à nouveau pendant une contraction, je suis alors à 7. Mes contractions sont donc extrêmement puissantes et efficaces. Je lui explique comment les choses se sont passées pour Gatien et je lui montre même mon dossier médical. Elle me convainc en me disant qu’étant donnée la rapidité avec laquelle ton frère est arrivé, les choses peuvent aller très vite maintenant et cela ne vaudrait pas la peine d’appeler l’anesthésiste… je prends ma décision et il n’y aura pas de marche arrière… Même si c’est dur, même si ça fait mal, j’accoucherai sans péridurale dans la salle nature… comme je le souhaitais…

Vers 16h10, nous retournons dans la Salle Nature, toujours avec cette lumière tamisée et la musique. Nous sommes 4 avec Papa qui est à ma droite, la sage-femme et une auxiliaire.

En fait, nous sommes 5, tu es là toi bien sûr, tu avances doucement et nous attendons avec impatience de faire ta connaissance. Je choisis de m’installer sur la table d’accouchement, en position gynécologique, c’est encore dans cette position que je suis le mieux.. Je ne sais pas quoi faire de mes jambes, elles me sont inconfortables. Je les mets tant bien que mal dans les étriers. Aujourd’hui, je me dis que j’aurais peut-être dû m’installer dans une autre position, plus naturelle, pour t’aider à avancer.

A partir de ce moment, je rentre dans un tunnel, je ferme les yeux et je ne les ouvrirai pas pendant 34 minutes. Chaque contraction me rapproche de toi, de ta naissance… je sers la main de ton père à chaque contraction et je hurle…beaucoup… C’est intense… J’oublie tout, je perds toute notion du temps.

Je me laisse guider par les conseils de la sage-femme. Lorsqu’une contraction est là, je dois pousser 3 fois de suite pour te faire avancer. C’est dur, ça fait mal, mais cette douleur a un sens… notre rencontre…

Tu avances lentement et je t’accompagne comme je peux. Je suis comme dans un manège à sensation et je ne contrôle plus rien, je n’ai pas d’autres choix que de me laisser guider par ce que me dicte mon corps…et d’attendre que le manège s’arrête.

Je suis incapable de me souvenir du nombre de contractions qui nous ont permis de nous rencontrer. Je me souviens simplement qu’un moment la sage-femme m’a dit que j’étais à dilatation complète, et que les prochaines contractions serviraient à te mener vers la sortie.

Ta tête commence à sortir. La sage-femme me propose de la toucher. Je me souviendrai toute ma vie de cette sensation : toucher ton petit crane, chaud, humide, un peu mou… Cela m’a donné de la force pour continuer et pour redoubler d’efforts.

J’ai encore poussé plusieurs fois et puis un moment, tout s’est arrêté… La délivrance… La sage-femme m’a dit d’arrêter de pousser et m’a proposé de t’attraper. J’ai accompagné ta sortie en te prenant dans mes mains.

Que d’émotions de sentir ton petit corps chaud, mouillée, gluant sortir de mon ventre…Il était 16H44.

Tu as crié tout de suite, j’étais rassurée, je t’ai posée sur moi et tu as tété tout de suite. Pendant près de 2h, nous nous sommes fait un câlin, peau contre peau… Moment magique, en dehors du temps, dans cette salle à la lumière tamisée… Sentiment d’apaisement, d’accomplissement.

La sage-femme, notre super coach, nous explique par la suite que tu n’as pas choisi la voie la plus aisée pour avancer dans mon bassin. Et cet accouchement ne nous a pas laissé indemnes toutes les deux : une bosse sero-physiologique sur ton crâne à droite pour moi (que tu as gardé un mois à peu près), et une déchirure importante pour moi qui m’a valu 4 points de suture. C’est le moment que j’ai le moins aimé dans cet accouchement. Me faire recoudre à vif… et cette fois-ci, la douleur n’avait plus aucun sens pour moi, plus aucun intérêt, je voulais que l’on me laisse tranquille et restée simplement avec toi.

Voilà ma belle, ce que je voulais te dire, t’écrire. Je le sais, cette grossesse et cet accouchement resteront à jamais graver dans ma mémoire, mais j’en oublierai certainement quelques détails alors c’était important pour moi qu’ils soient gravés.

Merci de m’avoir rendue plus forte… d’avoir coopéré comme une grande, comme une reine, du haut de tes 3 petits kilos, et de nous avoir offert ce moment magique… hors du temps, toutes les deux.

Merci à ton Papa d’avoir été parfait, à mes côtés, ce jour-là.

Merci aux sages-femmes, celles qui m’ont préparée, celles qui m’ont suivie et celle qui m’a permis d’accoucher comme je le souhaitais

Merci à ta grand-mère d’avoir veillé sur nous deux ce jour là

Je te souhaite de devenir une femme forte mais surtout une maman un jour, car c’est le plus beau rôle d’une vie pour une femme même si ce n’est pas toujours facile… et je te souhaite des accouchements aussi parfaits que celui que nous avons vécus ensemble.