Iris – Mon arc-en-ciel
26 avril 2020, nous sommes confinés depuis un mois. Je ne pense plus vraiment à mon accouchement même si les coups de fils de plus en plus fréquent de ma mère me rappellent que ça va bientôt arriver …
C’est la fin de l’après-midi, il ne fait pas beau, comme depuis une semaine et c’est relou parce qu’avec le confinement, notre seule sortie c’est la terrasse et le jardin. Igor est rentré à la maison. Il s’occupe de Jeanne. Je suis au téléphone avec ma maman et je vois un grand, un magnifique, arc-en-ciel. Je le prends en photo sans expliquer pourquoi à ma mère qui attend à l’autre bout du fil. Je raccroche après lui avoir dit « pour le moment, aucun signe ».
Igor sort et je lui dis « elle nous envoie un petit signe ? », notre Iris déesse aux arc-en-ciel. On se sert l’un contre l’autre. On rentre, Jeanne veut de la musique. On écoute nos musiques pour une fois et pas sa playlist disney ! Je danse de bon cœur sur Black M !
Le soir au moment de se coucher, je redis encore mes craintes à Igor. Jeanne est si petite, j’ai peut-être voulu aller trop vite. Je la trouve tellement bébé pour passer au statut de grande sœur … On discute et Igor trouve les mots, ça y est, j’ai envie de te rencontrer ! Je lui dis tout fort : « c’est bon tu peux venir quand tu veux ! ». C’est sincère, je me sens prête.
Je suis réveillée par des contractions, c’est déjà arrivé les dernières nuits. Je ne m’inquiète pas, je respire et j’attends que ça passe. Ça ne passe pas, je regarde l’heure 4h30, je vais marcher un peu.
Je repense à ma préparation hypnose que je n’ai pas fait sérieusement cette semaine alors que j’avais reçue les enregistrements pour préparer le jour J …
J’ouvre mon ordi, je télécharge les séances sur mon téléphone.
Les contractions s’accentuent, je réveille Igor, je pense que c’est la bonne ! Je vais me blottir contre lui dans le lit mais je dois me redresser souvent pour souffler et pousser contre le mur. Je lui demande de vérifier la fréquence, il est 5h, les contractions reviennent toutes les 3 minutes. Je me dis que c’est un peu tôt pour déranger ma mère, dans une heure ce sera mieux ! Je me dis aussi qu’à 6h il faudra vraiment que je l’appelle.
Je retourne dans le salon, Igor se met à son télétravail de peur de ne pas travailler de la journée en étant coincé à l’hôpital tout le jour.
Les contractions sont de plus en plus douloureuses. A chaque contraction je me mets à genou pour mieux gérer. Je lui parle, ‘c’est bien ma puce, continue !’. Pour Jeanne, j’espérais secrètement que la douleur cesse et j’avais bloqué à 5cm, plus aucune contractions… Coïncidence ? Je le sais, les contractions me rapprochent de toi, elles sont nécessaires, je n’ai d’autre choix que de les accueillir.
Je dis à Igor d’appeler ma mère, il est 6h30. Il lui dit de ne pas se presser, « 7h-7h30 c’est bon ! »
Pendant ce temps je suis sous la douche, quand je sors, c’est encore plus dur. J’espère que ma mère se dépêche un peu quand même…
Igor réfléchit… « Est-ce que je me fais cuir une pizza ? » non je ne crois pas !
6h50 ma mère arrive je sors faire taire le chien, je rentre pour gérer ma contraction, je ne veux pas que ma mère me voit comme ça mais de toute façon, ça va être dur à cacher !
J’entends Jeanne qui se réveille. Je dis bonjour à ma mère de loin (covid), je gère une contraction, elle semble un peu impressionnée. Je leur dis d’aller voir Jeanne. Quand une contraction se termine je fonce la voir, j’ai tant de chose à lui dire et si peu de temps pour lui parler. Les contractions reviennent toutes les minutes je pense. J’ai le temps de lui dire que c’est le jour où on va chercher le bébé à l’hôpital. Elle dit son prénom devant ma mère… On se regarde, on n’avait pas voulu révéler le sexe. Ce n’est plus un secret !
Je presse Igor, la douleur devient très dure.
Je monte à l’arrière de la voiture, je n’y aurai pas pensé sans avoir lu des récits d’accouchement et heureusement que j’ai pu bouger sur ma banquette arrière…
Arrivée au bas de notre chemin je comprends que la route va être un supplice. Après un kilomètre je commence à grogner et même à crier. C’est insupportable et je ne gère plus rien.
Igor tente de m’aider en faisant des sons graves mais ce n’est pas très concluant…
Je lui demande de faire vite, le plus vite possible, nous avons bien 25 minutes de route. Grâce au covid et à mon pilote, on arrive à destination en 15 minutes.
Je vois enfin l’entrée de l’hopital, je lui hurle que je veux descendre, il me dit de m’asseoire sur un bain le temps qu’il se gare, je lui hurle que je ne peux pas ! Je gère une contraction très longue devant l’entrée, une dame vient me tenir le bras. Elle me conduit à l’entrée des salles de naissance. Quand on arrive, Igor arrive aussi.
On prend ma température et celle d’Igor avant de nous laisser entrer (covid).
Je rentre en poussant des râles assez forts. Une sage-femme m’emmène en salle d’examen pour un monito, j’ai du mal à marcher et à me déshabiller. J’ai perdu le bouchon muqueux, les contractions s’enchainent rapidement. Je n’ai pas le temps de vraiment m’installer, elle préfère me conduire en salle de travail.
Igor est de retour, il était parti aux toilettes le bougre !
La sage-femme ouvre une salle, une maman tient son bébé dans ses bras. Elle referme vite la porte. « J’aimerai bien en être à ce stade » je lance … Oui, c’est incroyable entre deux contractions le niveau de douleur est à 0, je peux encore plaisanter.
Je rentre dans ma salle d’accouchement. Il y a du monde autour de moi, je supplie pour qu’on m’aide, la douleur est insupportable. Je ne gère plus ma respiration, je crois que quelqu’un me dit de respirer. Je n’entends plus grand-chose, je ne suis pas vraiment là, je suis spectatrice. On me parle des étriers, je m’en fiche tellement, je veux accoucher c’est tout ! Heureusement Igor est là « sur le côté, elle a déjà accouché sur le côté c’était très bien ! ». La sage-femme me demande si elle peut percer la poche des eaux, je la supplie de faire vite plusieurs fois car je ne sens pas qu’elle est en train de le faire. J’ai l’impression de n’avoir eu que quatre contractions dans cette salle une au moment où je m’installe, une juste après, sur cette contraction, où je me sens tellement perdue, tellement dépassée, je te parle ‘c’est bien Iris on va y arriver’. L’auxiliaire dit que je suis à 9, non à 10. Mais dès que la poche a été rompue un irrépressible besoin de pousser s’est emparé de moi. Je pousse longtemps et la tête sort, je le sens ce cercle de feu, je pense à tous les récits que j’ai lus et je me dis que c’est bientôt fini ! On me dit de pousser encore pour les épaules, (quoi encore ?), je pousse encore une fois et te voilà. Toute enveloppée de ta poche. L’auxiliaire nous explique qu’on appelle ça les bébés coiffés, que c’est rare et que ça porte-bonheur ! Je suis stressée de te voir dans ce sac, je leur demande de te l’enlever. Et enfin je t’ai contre moi ma douce Iris.
Je continue à émettre des râles doux le temps que le calme revienne en moi. Je t’ai contre moi. Tout va bien.
La suite c’est la perfusion qu’on n’a pas pu poser avant, l’ocytocyne pour faire sortir le placenta, c’est le cordon clampé la seconde après que j’ai demandé d’attendre avant de couper, c’est aussi les massages (euh…) sur le ventre pour aider l’expulsion du placenta (douleur vraiment pas sympa après ce que je viens de vivre).
La suite c’est aussi un câlin d’une heure en peau à peau avec toi, un bisou de papa pour nous deux, puis du peau à peau avec papa. C’est tous les tests pour vérifier que tu vas bien juste sous nos yeux. A aucun moment tu n’as été à plus de 3 mètres de nous. Ensuite papa est allé chercher nos valises dans la voiture pour nous les rapporter mais à l’entrée on lui a interdit de rentrer à nouveau. Alors pas d’aurevoir déchirants, on ne savait pas qu’on se quitter pour 48h.
La suite c’est toi et moi seules, heureuses, en forme. C’est le matin, le jour s’est levé, j’ai réussi, je t’ai mis au monde sans péridurale. Tu vas bien, tu es belle, je savoure. Après trois heures en salle de naissance, on s’assoit sur un fauteuil roulant. Petit check up avec une pédiatre puis arrivée dans notre chambre pour 2 jours. Après-demain je serai à la maison avec mes deux bébés.
J’ai passé la porte Jeanne n’étais plus un bébé, je l’ai vu tellement grande, tellement géniale, tellement impatiente et boulversée de te rencontrer Iris. La naissance d’une belle relation.
Je vous aime.
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