L’histoire de ma grossesse et de l’accouchement est d’avoir suivi mon intuition, parfois n’en avoir fait qu’à ma tête, et pour un beau résultat. Comme disait ma dernière sage-femme libérale, « dans 95% des cas, l’intuition de la mère est bonne ».
Sans revenir sur ma grossesse en détails, voici son résumé succinct : hyperclarté nucale à 4,2, refus de l’amniocentèse (en réalité, de mon point de vue, le refus devrait être davantage encouragé car la pratique est loin d’être inoffensive avec 1/200 décès de fœtus et un résultat qui ne donne qu’une réponse génétique, n’élimine donc pas tous les problèmes), retard de croissance sévère inférieur au 1% jusqu’au 8ème mois où il passe à 5%, moultes échographies et discours angoissants des médecins que je n’arrivais pas à croire, passé les 3 jours suivants les rdv à pleurer, et à la fin, monitorings hebdomadaires et suivi très lourd. Beaucoup de personnes autour de moi ont cru dans ce bébé soleil, que je voyais adulte et sans handicap, de même que mon mari à la fin de la grossesse. Et beaucoup de récits sur l’écart entre les discours des médecins et la réalité m’ont aidé à me faire confiance. Et j’ai eu raison, il va bien et n’a aucun des problèmes annoncés.
En plus de tout cela, je voulais accoucher sans hormones de synthèse et sans péridurale. Après avoir lu le Guide de la naissance naturelle d’Ina May, j’avais la conviction que c’était mieux aussi pour le bien de mon bébé et de mon corps. Et autour de moi, beaucoup de femmes ont fait ce choix, ça me semblait donc naturel. Durant la grossesse, je ne voulais pas me préparer, car penser au bébé me rendait triste. Mais arrivée au 7ème mois, cela m’est apparu important. A ce moment là, j’ai changé de sage-femme et j’ai bénéficié d’une vraie préparation grâce à la sophrologie qui m’a permis de me reconnecter avec mon bébé, de me préparer à gérer la douleur des contractions, et de me réconcilier avec le système médical pour travailler ensemble à cette naissance.
Un nouveau problème s’est présenté, mais j’avais présenti que ça serait le cas, car une amie avait vécu la même chose en début d’année : le terme dépassé et le déclenchement. Rdv de terme à 41SA, toujours rien. J’ai failli ne pas m’y rendre mais j’avais une intoxication alimentaire ou gastro et j’étais inquiète pour le bébé. Il faisait beau, c’était la fin de l’été, mi-septembre. J’avais envie de profiter du soleil et de respirer, bien autre chose que de traîner au CHU où j’avais décidé d’accoucher. J’ai donc fait sauter le rdv de 41+2 et m’y suis rendue le jour d’après. J’ai simplement appelé pour dire que je ne viendrai pas, et heureusement, ils n’ont pas insisté. Ce jour-là, discours angoissant à nouveau car risque de pré-éclampsie (tension un peu élevée et plaquettes basses) mais je refais une prise de sang qui est bonne et je dis que je préfère rentrer chez moi. Je reviens à 41+5 et là ils me parlent de la procédure de « maturation » par ballonnet prévue le lendemain. J’écoute, l’interne était très chouette et pédagogue, une des personnes pour qui j’avais vraiment de l’estime dans ce service. Je la remercie et je dis que je ne viendrai pas le lendemain et dis que je veux attendre encore 4j (j’étais certaine qu’il y avait une erreur d’une semaine sur la date de conception fixée par le CHU). Elle me laisse partir et me rappelle pour m’inviter à faire de monitos tous les jours, ce que je fais. Au bout de 4j, nous décidons de faire la procédure, qui nécessitait une hospitalisation de 24h en chambre. En fin de compte, je suis arrivée prête, alors que je ne l’étais pas 5 jours plus tôt. Nous connaissions les couloirs de l’hopital par cœur, et nous étions de bonne humeur.
La pose du ballonnet le matin a été un peu douloureuse, mais une fois debout, plus aucune douleur. Nous descendons en chambre après un monito, puis nous marchons dans le CHU et un peu dehors. Le soir, nous descendons dans la voiture écouter de la musique, et j’ai des contractions, mais la douleur est très gérable. Mais dès que je passe les portes du CHU, elles s’arretent. Je passe la nuit seule et je dors un peu, et le lendemain matin, je vais aux toilettes et le ballonnet tombe. La maturation avait fonctionné et la deuxième étape était la rupture de la poche des eaux.
Une gentille sage-femme me monte en salle nature et mon compagnon nous rejoint. La sage-femme de jour avec qui j’ai moins eu le feeling m’intime de prendre un anti-acide au cas où je serai intubée. Je refuse, mais fini par accepter car je vois qu’elle est froissée et qu’il vaut mieux travailler en confiance cette journée. Elle perce la poche des eaux. J’ai eu un frisson de peur, puis bien respiré, et finalement c’était indolore. J’enfile le slip et une protection et me mets sur le fauteuil pour le monito. Je préférais comme durant ma grossesse faire les monitos assise ou debout, plutôt qu’allongée sur le dos. Très rapidement, les contractions arrivent. Je ne me rappelle plus combien de temps j’ai attendu, peut-être 2h tout au plus, et les contractions deviennent violentes. Pas de toilettes dans la pièce, mais une baignoire que j’utilise pour uriner. Je suis branchée à ce monito, et nous mettons de la musique. Je gère en soufflant comme la sage-femme m’avait appris. Toutes les heures ou 2h j’appelle la sage femme, pleine d’espoir, et elle m’annonce que je suis à 3, 4, 5, 6, et le temps passe. Je bois beaucoup. Je reste sur le fauteuil, cramponnée au avant-bras, et serre super fort le fauteuil. J’ai très mal dans le bas du dos et le dossier m’aide à supporter. Finalement, je ne me mobilise pas, et la sage-femme, au lieu de m’aider, m’ausculte et ressort aussitôt. Une autre sage-femme me pose des aiguilles qui aident un temps, le bébé se retourne et les contractions sont dans le ventre, mais elles reviennent dans le dos une fois les aiguilles enlevées. au bout d’une dizaine d’heures, je suis à 7, et je me dis que j’en peux plus, combien de temps ça va durer encore. La nuit est tombée. Je dors entre deux contractions et j’espère que la pause durera un peu plus. Je sens que je peux la retarder de quelques secondes par la pensée. Mais elle revient, et je souffle fort, cramponnée au fauteuil, bougeant un peu le bas du dos. Avec mon compagnon et sur les conseils de ce sage femme, nous essayons des positions sur le grand lit de la salle nature, à quatre pattes penchée sur le ballon. Mais j’étouffe, le capteur se barre à chaque fois, et le bébé semble en détresse. J’ai encore plus mal. Nous décidons de changer. Je me mets assise sur le ballon, face au lit d’accouchement rétrécit et équipée d’une barre. Je m’accroche à la barre et mon compagnon me tient le bas du dos. Quand la contraction vient, je me lève un peu accrochée à la barre et je bouche les hanches, et sur le ballon, je bouge le bassin. J’avais lu que ça aidait le bébé. Comme depuis le début à chaque contraction, je visualise un cercle, le col, qui s’ouvre, et je pense très fort « allez bébé, ouvre le col, viens ». Je bois beaucoup, surement 3L en tout durant le travail.
Puis l’interne que j’aimais bien qui était de garde entre, et vérifie par échographie la position du bébé. Elle dit qu’il n’est pas bien positionné. A ce moment là, je suis à 8. La sage femme dit « nous sommes à 12h de rupture de la poche, nous allons commencer les antibiotiques ». Elle avait pas pensé à m’en parler avant, alors que j’avais précisé que j’aurais aimé que tous les actes médicaux soient bien expliqués en amont, dans mon projet de naissance. Je refuse. A ce moment là, je suis perdue dans les contractions et je ferme les yeux quand elles arrivent. Je suis épuisée. Et je suis déterminée. L’interne demande à son supérieur de vérifier la position du bébé et quand il vient, il me convainc avec beaucoup de douceur de prendre les antibios. J’accepte, mais à la vision de la perfusion, je refuse, car je ne me vois pas avec ça en plus branché pendant 30 minutes, alors que je supportais déjà le monito depuis le matin et tous ces cables à trainer à chaque fois. La sage-femme part vexée quand je lui dis « reproposez la moi dans 30 min », pleine d’espoir que le bébé soit arrivé d’ici là. Ils sortent, et nous restons seuls. Je me dis « là, je dois intensifier le truc ». Je bouge plus fort, je pousse un peu à chaque contraction, j’enlève mon Tshirt et me mets complètement à poil. J’ai super chaud et du mal à respirer, donc je prends de grandes inspirations entre les contractions. Puis, à un moment, je sens que je fais caca. Je suis tellement dégoutée pour mon compagnon, car il a une phobie sur ça. Mais il dit que ce n’est pas grave. Moi je sais que c’est la fin. J’attends encore un peu et je lui dis d’appeler. Une perle entre (changement de service), et après 30 min, elle m’examine et me dit que je peux commencer à pousser. A ce moment là je suis assise sur la table, les jambes repliées contre mes fesses. Je commence à pousser et elle me dit que ce n’est pas efficace. Alors je me lève, pensant que la gravité aidera. Mais je ne tiens plus debout, épuisée. Je me rassois et je pousse encore, pendant 42 minutes au total (selon le rapport). Je suis épuisée et je me repose entre chaque poussée. A ce moment là, je n’ai plus mal, je suis juste fatiguée, j’ai plus de forces. Je pousse en retenant mon souffle, et c’est difficile. Puis, je finis par prendre mon courage à deux mains et je pousse plus fort, et cette fois, la tête sort. Le temps d’enlever le cordon qui était autour du coup, puis je repousse pour le corps. J’avais la sensation d’une petite orange, et je découvre un bébé très lourd, 4kg. Quel bonheur, les contractions s’arrêtent. Notre fils allait très bien. Il fait du peau à peau avec le papa pendant qu’on me délivre et qu’on me recoud, entourés de personnes merveilleuses, la jeune sage-femme qui l’a fait naitre, la puéricultrice qui m’a pris du lait à la seringue pour le donner avant la tétée de bienvenue car il tétait le papa, et l’interne qui était là pour lui sortir la tête et la délivrance, heureuse que tout se soit bien passé pour nous tous.
Je crois que j’ai pensé à la péridurale à 2 reprises durant le travail, mais j’ai vite chassé cette pensée. J’ai peur des aiguilles, je ne veux pas de produits chelou, je voulais rester mobile, et j’avais surtout l’idée que le pire, c’est une péridurale qui ne fonctionne pas. Et cette idée m’a permis de tenir. Et peut-être aussi le Rescue (fleur de bach) que ma mère m’avait préparé.
J’ai plusieurs fois voulu sortir du truc. Quand les endorphines me grisaient entre deux contractions, je voulais m’abandonner et dormir, comme je le fais quand la douleur des règles passe. Mais ici, impossible. Il fallait aller au bout, que le bébé sorte. C’était ça le plus dur, dans un monde actuel où on peut toujours zapper, changer quand ça nous convient pas. On est plus habitués à supporter ce que la nature nous donne.
Je suis sortie de ça toute courbaturée, mais forte, et heureuse. J’ai pensé « c’est horrible d’accoucher, comment les femmes font depuis la nuit des temps, elles sont folles ». J’avais de la peine quand je voyais une femme avec son enfant, les jours d’après. J’ai pensé à toutes celles qui n’ont pas la chance de gérer la douleur. Le pire, c’est quand la douleur devient souffrance. Et à deux moments, je l’ai sentie, cette douleur, qui fait crier, qui pique. Mais le reste du temps, je soufflais, et la chaleur du fauteuil ou de la main de mon compagnon dans le dos suffisait à ce que cette douleur soit supportable. Mais j’ai bien eu l’impression de vivre un marathon. Je n’ai jamais fourni autant d’effort physique de ma vie. Et en y repensant, je ne me souviens plus de cette douleur. Tout est effacé. Le corps se remet si vite. Après 3 jours, j’étais déjà en très grande forme. Et je suis prête à recommencer.

Courage à toutes celles qui vivront ce parcours. Mes pensées vous accompagnent!